NAPOLEON
Un film de Ridley Scott
Un article de Serge Leterrier
« Vous savez, je n'ai pas encore reçu d'Oscar. [...] Et si je l'obtiens un jour, je vais dire: il était temps, putain ! » Ridley Scott (source Le New Yorker - 2000)
Napoléon, le long-métrage de Ridley Scott a été nominé aux Oscars dans les catégories « conception de la production », « Conception des costumes », « Effets visuels ». Le réalisateur a été nominé trois fois dans la catégorie « meilleur réalisateur » sans jamais remporter de statuette – En 1992 pour Thelma et Louise, 2001 pour Gladiateur, 2002 pour La Chute du faucon noir…
L’historien David Chanterannes, spécialiste de Napoléon, dira après avoir vu le film :
« Ça reste du grand spectacle et de la création artistique. C’est aussi une lecture personnelle de Ridley Scott »
« Jeunes gens, étudiez bien ce terrain, nous nous y battrons ; vous aurez chacun un rôle à jouer. » Napoléon - La bataille d’Austerlitz

Bataille d'Austerlitz - 2 décembre 1805, un an, jour pour jour après son couronnement, Napoléon remporte une bataille décisive, pendant la campagne d'Allemagne, grâce à son intelligence tactique. Le chef militaire élabore un plan ingénieux pour vaincre les armées russes et autrichiennes, pourtant supérieures en nombre et en armement, en les attirant dans un piège de glace. Joaquin Phoenix, sans pitié, abat son bras pour aller au bout de sa stratégie brutale. Un massacre froid et calculé. Bilan de cette bataille, côté austro-russe : 16 000 morts et blessés et 11 000 prisonniers.
Une séquence épique qui permet à Ridley Scott d’imposer la froideur du petit Corse tout en mettant en évidence le génie stratège et chef de guerre émérite qu’était Napoléon. Un champ de bataille impressionnant avec de très nombreux figurants, une image monochrome, glaciale sur ce lac gelé recouvert d’une fine pellicule de neige. La musique est aussi au rendez-vous. Elle renforce, avec les chœurs dramatique de la bande originale, l’effet visuel qui ajoute une pression supplémentaire au film. Une séquence de 2 minutes qui entraine le spectateur au milieu de la débâcle des ennemies pourtant sûrs de leur victoire. Une défaite pour n’avoir pas su détecter la tactique militaire de l’empereur. Une immersion au cœur de la violence, assistant aux massacres des Russes sous l’œil impassible du maitre de guerre.
« L'empereur était immobile. Autour de lui, ses officiers d'état-major. Il levait le bras et le premier venait prendre les ordres et ainsi de suite. Vers le milieu de la journée et alors que la bataille battait son plein, lui descendit de cheval et se fit étendre une couverture. “La bataille est gagnée” dit-il, et il s'allongea. Il s'endormit tandis que le combat continuait de se dérouler. » Récit de la bataille par un soldat, le cavalier Blanche (source Wikipédia).
Mais le film ne se résume pas à cette séquence où la fiction a travesti les faits historiques pour que le spectacle en soit plus grand. Le cinéma a ses droits, ce que l’histoire ne partage pas forcément.

Effectivement ce long-métrage dans sa version courte (2h38) est l’un des films les plus ambitieux du réalisateur. La mise en scène est spectaculaire et le long-métrage rempli, malgré la légèreté historique de certaines séquences, son rôle de film d’époque avec des scènes de batailles époustouflantes. Quelques lacunes scénaristiques néanmoins négligeant certaines attributions et fonctions de Napoléon Bonaparte. Effectivement le film présente les activités militaire de l’empereur ainsi que sa relation très complexe avec Joséphine de Beauharnais. Des raccourcis qui oublie l’homme politique et ses ambitions à restructurer la France, plongée dans le chaos et la révolte de cette époque charnière. L’homme de pouvoir avait, pour objectif, de changer de nombreuses institutions sociales et de clarifier l’organisation du pays. Le film le présente plutôt comme un opportuniste qui va profiter de la Révolution française* pour prendre le pouvoir et assouvir sa puissance. Un raccourci déconcertant qui le propulse dans son rang de chef des armées en dictateur, qu’il était sûrement, mettant l’Europe à feu et à sang, entrainant dans ses campagnes des milliers de morts. Triste sort pour ce grand stratège de se nourrir d’une dernière défaite à Waterloo l’amenant à son exil sur l’ile d’Elbe où il décèdera. Mais nous ne pouvons pas reprocher à Ridley Scott de nous faire vivre l’extraordinaire bataille d’Austerlitz et la triste défaite de Waterloo. Point clé de sa consécration jusqu’à sa destitution et son exil à Sainte Hélène. Napoléon est mort à l'âge de 51 ans, le 5 mai 1821.
*La Révolution française (1789-1799) Période de grands bouleversements politiques et sociaux en France et dans ses colonies, ainsi qu'en Europe à la fin du xviiie siècle. Traditionnellement, on la fait commencer à l'ouverture des États généraux le 5 mai 1789 et finir au coup d'État de Napoléon Bonaparte le 9 novembre 1799 qui met fin à l'Ancien Régime, notamment à la monarchie absolue remplacée par la monarchie constitutionnelle (1789-1792), puis par la Première République.

Joaquin Phoenix est délicieux dans son rôle de Napoléon glaçant, énigmatique, mystérieux en chef de guerre exigeant et surtout intraitable. Vanessa Kirby qui, dans son incarnation de Joséphine de Beauharnais romancée reste crédible dans son personnage. Ces deux acteurs éclipsent allègrement les autres intervenants. Malgré cela cette œuvre est superbement réalisée et se laisse regarder comme un grand film « hollywoodiens ».
Pour conclure cet article le film commence par la décapitation de Marie Antoinette, Reine de France, sous le regard attentif du jeune Bonaparte qui d’après l’histoire est à Toulon pour préparer la première bataille qui va le rendre célèbre… Alors, suivant ce chant révolutionnaire Ridley Scott pourrait chanter : Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
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