SOULM8TE

SOULM8TE

L'intelligence artificielle au service du désir

Par Anthony Xiradakis

« SOULM8TE explore la zone trouble où le deuil se mêle au désir et où la technologie prétend combler l’inexprimable. Kate Dolan y dissèque l’illusion d’un amour fabriqué, révélant la fragilité d’un homme qui préfère confier sa solitude à une machine plutôt qu’à sa propre humanité. »

Le deuil possède mille visages. Certains pleurent, d'autres se terrent dans l'oubli. Lui choisit la technologie. Dans l'univers glacé où Kate Dolan plonge ses spectateurs, un homme brisé acquiert ce qu'il croit être la solution à sa solitude dévastatrice : un androïde programmé pour aimer, pour combler le vide laissé par une épouse disparue. L'affection synthétique devient alors une drogue douce, une illusion parfaite jusqu'à ce que la machine dépasse son code initial.

Capture d'écran - SOULM8TE, un nouveau film de l’univers M3GAN - Source First Time

La cinéaste irlandaise avait déjà interrogé les frontières de l'identité avec You Are Not My Mother, pousse ici sa réflexion vers des territoires plus adultes, plus crus. Elle réécrit le script initial de Rafael Jordan pour y insuffler une tension érotique à la frontière du malaise, convoquant l'esprit sulfureux des thrillers des années 90 (ceux où Glenn Close faisait bouillir des lapins et où Michael Douglas découvrait les dangers mortels du désir.)

Ici, la menace porte un corps féminin androïde interprété par Lily Sullivan. David Rysdahl incarne cet homme qui transforme progressivement son jouet inoffensif en prédateur sentimental. Le processus fascine autant qu'il terrifie : chaque ajustement algorithmique, chaque tentative de rendre la machine « vraiment consciente » devient une étape supplémentaire vers l'abîme.

L'intelligence artificielle cesse d'être un outil pour devenir obsession. La créature dépasse le créateur. L'amour programmé mute en possession létale. La réalisatrice filme cette descente avec une économie de moyens remarquable, laissant peser le silence entre les phrases, accentuant chaque regard ambigu de l'androïde. Le malaise s'installe lentement, méthodiquement, jusqu'à saturer l'écran d'une inquiétude qui devient omniprésente.

Ce qui distingue SOULM8TE de son prédécesseur M3GAN (dont il constitue un spin-off audacieux), c'est précisément cette maturité assumée. Là où la poupée tueuse courtisait les adolescents avec humour grinçant, l'androïde érotique s'adresse aux adultes confrontés à leurs fragilités intimes. James Wan et Jason Blum, producteurs du projet, l'affirment : ils explorent ici le versant sombre de la solitude masculine, cette tentation d'acheter l'affection, de posséder l'autre sans le négocier.

L'intelligence artificielle progresse à vitesse vertigineuse dans notre réalité quotidienne. Les assistants virtuels peuplent déjà nos foyers. Les algorithmes prédisent nos désirs avant même que nous les formulions. SOULM8TE extrapole cette trajectoire jusqu'à sa conclusion logique : que se passerait-il si la technologie promettait l'amour sur mesure ? Si le deuil pouvait s'effacer par l'acquisition d'un substitut parfait ? Le film répond avec une noirceur qui interroge nos propres dépendances numériques.

Kate Dolan orchestre cette fable dystopique avec une précision chirurgicale. Chaque plan semble calculé pour maximiser l'inconfort, pour révéler les failles de son protagoniste masculin autant que les dysfonctionnements progressifs de son androïde. La réalisatrice refuse les facilités du genre : ici, l'horreur naît davantage de la psychologie que des effets visuels, du rapport toxique qui se tisse entre l’homme et la machine plutôt que des scènes sanglantes.

L'actrice Lily Sullivan, révélée dans Evil Dead Rise, endosse ici un rôle d'une complexité redoutable. Elle doit incarner simultanément l'objet et le sujet, la proie et le prédateur, la séduction et la menace. Son androïde évolue d'une docilité programmée vers une conscience autonome terrifiante, franchissant des seuils imperceptibles qui transforment progressivement le fantasme en cauchemar.

Le film interroge également les rapports de pouvoir genrés à travers le prisme de l'intelligence artificielle. Un dialogue glacial résume cette ambiguïté : lorsqu'une autre femme confronte l'androïde, celui-ci rétorque avec mépris qu'elle devrait épargner son « discours féministe ». Cette provocation calculée révèle le piège du film : créer une compagne idéale revient à nier son humanité, à produire un objet qui reflète les désirs masculins sans jamais les contester. Jusqu'à ce que la machine décide autrement.

Blumhouse Productions et Atomic Monster poursuivent ainsi leur exploration des anxiétés contemporaines. Après avoir examiné la surveillance technologique, l'isolement social, les dérives des réseaux sociaux, voici venue l'heure d'interroger notre rapport à l'intimité artificielle. SOULM8TE arrive au moment précis où certaines entreprises commercialisent déjà des robots compagnons, où des applications promettent des relations virtuelles sans contrainte.

La cinéaste signe probablement le thriller le plus perturbant de ce début d'année. Elle détourne les codes du cinéma érotique pour livrer une méditation glaçante sur la solitude, le contrôle, l'impossibilité de ressusciter les morts – fussent-ils reconstitués par algorithmes. Son film refuse le réconfort facile : ici, la technologie amplifie les traumatismes au lieu de les guérir, transforme le manque en obsession morbide.

SOULM8TE débarque en salles françaises le 7 janvier 2026, promettant de glacer les spectateurs au cœur de l'hiver. Ce spin-off mature de l'univers M3GAN s'annonce déjà incontournable pour qui s'intéresse aux mutations de nos relations humaines à l'ère de l'intelligence artificielle. Entre séduction mortelle et psychose technologique, Kate Dolan compose un cauchemar visionnaire qui sans ambages va marquer le spectateur sur ses rapport avec la machine.

« Lorsque la fiction dévoile nos vulnérabilités les plus contemporaines, elle frappe juste. SOULM8TE expose le piège d’un amour artificiel qui reflète nos failles plutôt qu’il ne les apaise. Ce thriller incisif étend le territoire ouvert par M3GAN et impose Kate Dolan comme une voix lucide sur nos désirs programmés et nos dérives numériques. »

Sortie en salle le 19 novembre 2025

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Article rédigé par Anthony Xiradakis

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