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THE RUNNING MAN

  • Photo du rédacteur: Imanos Santos
    Imanos Santos
  • il y a 5 jours
  • 6 min de lecture

THE RUNNING MAN

Un film d’Edgar Wright

La survie à l'état brut


Par Imanos Santos


Implacable. Électrique. Prophétique.


Implacable


La machine broie. Elle broie les corps, les espoirs, les illusions de justice. Ben Richards découvre cette vérité lorsque le système le rejette définitivement. Ouvrier du bâtiment mis sur liste noire, père d'une fillette malade réclamant des médicaments inabordables, il traverse l'existence avec une fatigue accablante, celle qui marque les condamnés sociaux. Aucune porte ne s'ouvre. Chaque refus enfonce plus profond le clou de sa misère. Alors surgit l'unique issue : The Running Man, ce jeu télévisé où les pauvres meurent pour divertir les riches.


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Edgar Wright filme cette mécanique implacable avec la précision d'un horloger sadique. Trente jours de fuite, des chasseurs professionnels lancés à ses trousses, un milliard de dollars au bout du carnage. Personne n'a jamais survécu. Le règlement reste simple : cours ou crève. Le pays entier scrute les écrans, chaque citoyen invité à dénoncer sa position. Les caméras surveillent, les regards traquent, les mouchards prolifèrent. L'Amérique entière devient terrain de chasse.


Glen Powell incarne ce désespéré loin des muscles huilés d'Arnold Schwarzenegger dans la version 1987. Le réalisateur voulait un père ordinaire propulsé dans l'extraordinaire violence. L’acteur s'est détruit le corps durant les semaines bulgares glaciales. Des séquences nocturnes sous la neige, le torse quasi nu suspendu au huitième étage, à peine une serviette pour protéger sa pudeur. Le réalisateur lui buvait son café au sol, emmitouflé dans sa parka, observant son acteur grelotter pour capturer cette souffrance authentique.


Josh Brolin insuffle à Dan Killian ce charisme vénéneux des prédateurs en costume. Il recrute Richards avec des promesses dorées, sachant pertinemment qu'il envoie cet homme à l'abattoir. Le producteur orchestre le massacre avec l'efficacité d'un businessman ordinaire. Killian représente cette violence bureaucratique, cette cruauté institutionnalisée où personne n'assume directement le sang versé. Il signe les contrats, programme les séquences, maximise les audiences. L'implacable porte costume-cravate.


Lee Pace interprète l'un des chasseurs les plus redoutables, tueur professionnel transformant la traque en spectacle premium. Chaque élimination obéit à une chorégraphie mortelle répétée jusqu'à l'efficacité parfaite. Ces assassins travaillent avec méthode, appliquant leurs protocoles meurtriers avec rigueur professionnelle. La mort devient routine, l'horreur un quotidien banalisé dans la cruauté.


Le cinéaste orchestre plusieurs séquences où la brutalité éclate sans prévenir. Une explosion dévaste un hôtel bostonien depuis les sous-sols, Ben s'extirpant des flammes in extrémiste. La fuite traverse l'Amérique entière, chaque État devenant piège potentiel. Le cinéaste refuse tout répit : sitôt échappé d'un danger, Richards plonge dans le suivant. L'implacable avance à vitesse constante, métronome létal rythmant cette course éperdue.


Josh Brolin I Copyright-Paramount-Pictures
Josh Brolin I Copyright-Paramount-Pictures

Électrique


Le courant traverse l'écran. Chung-hoon Chung capte cette énergie nerveuse avec sa caméra mobile, découpant l'espace en fragments visuels rapides. Paul Machliss monte avec cette vélocité sèche devenue signature du cinéaste depuis Baby Driver. Les plans s'enchaînent à rythme soutenu, maintenant l'adrénaline constante. Le réalisateur, quant à lui, injecte son humour caractéristique dans cette matière sombre. L’acteur délivre des répliques acérées et des commentaires sarcastiques même dans les moments les plus périlleux.


Les plateaux télévisés étincellent d'une lumière violente. Colman Domingo anime le programme face aux spectateurs assoiffés de sang, présentateur charismatique d'une barbarie quotidienne. Sa performance électrise le studio, galvanise les foules. Il transforme chaque traque en événement national, chaque mort en apothéose visuelle. Les audiences explosent, les paris s'envolent, l'excitation collective atteint des sommets vertigineux.


Glen Powell incarne cette dualité électrisante : douceur fondamentale et dureté acquise par nécessité. Ben Richards séduit autant les spectateurs intérieurs au film que ceux installés dans les salles obscures. Le texan prouve définitivement son statut d'étoile montante. Après Hit Man, Anyone But You et Twisters, voici sa démonstration la plus exigeante au niveau physique. Il combine charisme accessible et détermination brutale, vulnérabilité affichée et résistance insoupçonnée.


Michael Cera surgit dans un registre inhabituel, activiste nerveux gérant le chariot de hot-dogs paternel tout en rêvant de renverser le régime. Son énergie fébrile contraste avec l'apparente résignation générale. Katy O'Brian incarne une concurrente prise au piège, férocité pure concentrée en corps d'athlète. Emilia Jones traverse l'écran en civile hyperactive que Ben capture pour faciliter sa fuite, débit verbal mitraillant chaque silence.


Edgar Wright abandonne les rues londoniennes pour intégrer une fresque continentale tournée dans plusieurs pays. La Bulgarie enneigée fournit décors hostiles et températures impitoyables. Le cinéaste voulait cette brutalité climatique visible, cette souffrance physique authentique. Chaque plan vibre cette urgence impitoyable. Les poursuites s'enchaînent, les explosions déchirent, les coups percutent. L'électricité traverse chaque séquence, chargeant l'atmosphère d'une tension maximale.


Cette énergie frénétique structure l'ensemble du récit. Le cinéaste refuse toute contemplation, toute pause méditative. Il propulse son héros d'une situation périlleuse à la suivante, multipliant obstacles et rebondissements. Le film avance à haute vélocité, emportant le spectateur dans son tourbillon. Même les moments calmes crépitent d'une anxiété latente : la traque reprendra bientôt, les chasseurs approchent, le danger guette.


Michael Cera I Copyright-Paramount-Pictures
Michael Cera I Copyright-Paramount-Pictures

Prophétique


En 1982, Stephen King publiait sous un pseudonyme une dystopie située en 2025. Quarante-trois ans plus tard, Edgar Wright adapte ce cauchemar prémonitoire au moment précis où la fiction rejoint presque notre réalité. L'algorithme prédictif du romancier terrifie : voici exactement l'année qu'il avait choisie pour installer son enfer. La distance entre sa vision et notre présent s'est réduite dangereusement.


Stephen King décrivait une Amérique autoritaire contrôlée par des corporations géantes, maintenant le peuple distrait dans des  programmes abrutissants, donnant en pâture des gladiateurs modernes. La télévision dévorait l'humanité, les riches contemplaient les pauvres se massacrer. Cette projection littéraire résonne aujourd'hui avec une acuité troublante. Les émissions de téléréalité dominent toujours la culture populaire, les réseaux sociaux transforment chacun en diffuseur potentiel de scandales. La violence spectacle attire des audiences considérables.


Edgar Wright et Michael Bacall, complice d'écriture depuis Scott Pilgrim vs. The World, restituent cette prescience du roman originel. Là où le film  de 1987 transformait tout en spectacle fluorescent années 80, cette version plonge dans la noirceur sociologique de l’auteur. Les contrastes violents entre les quartiers miséreux et les  plateaux étincelants révèlent l'abîme séparant les classes sociales. Les systèmes de santé défaillants condamnent les familles pauvres à choisir entre subsistance et survie. L'oppression policière maintient l'ordre inégalitaire.


Stephen King figure au générique des producteurs exécutifs. Le réalisateur avait contacté Schwarzenegger avant le tournage pour obtenir sa bénédiction. L'acteur autrichien apparaît d'ailleurs dans le film sous forme photographique, son visage imprimé sur les billets de cent dollars du futur. Cette transmission symbolique scelle le passage entre deux époques, deux regards portés sur la même matière narrative. L'ancien champion musculeux cède la place au héros vulnérable, reflet d'une société où la force brute suffit moins face à l'oppression systémique.


Le film débarque dans les salles françaises le 19 novembre 2025, alors que les débats sur les médias, la manipulation et la vérité saturent l'espace public. Le timing renforce encore la pertinence du propos. Ce que l’écrivain imaginait en 1982 se matérialise progressivement sous nos yeux. Les frontières s'estompent entre divertissement et torture, spectacle et supplice, fiction dystopique et actualité quotidienne.


Le cinéaste  transforme cette prémonition littéraire en expérience cinématographique nerveuse qui interroge notre rapport au spectacle de la violence, notre complicité passive devant l'injustice télévisée. Richards court pour sa vie tandis que des millions applaudissent son calvaire. Cette indifférence collective face à la souffrance individuelle résume l'avertissement lancé par Stephen King quatre décennies plus tôt. Le public consomme la misère humaine transformée en divertissement, absolvant sa conscience en invoquant le libre arbitre des participants.


William H. Macy apparaît en allié fragile, fournissant fausses identités et déguisements pathétiques. Son personnage incarne cette résistance minuscule face à l'oppression totale. Quelques individus tentent encore d'aider, de protéger, de sauver. Mais leurs efforts ressemblent à des gouttes d'eau jetées sur un incendie ravageant tout. La prophétie du maitre King révèle cette impuissance croissante des citoyens ordinaires face aux structures de pouvoir massives.


Edgar Wright signe ici son projet le plus onéreux, son tournage le plus long, sa production la plus ambitieuse. Il voulait cette brutalité climatique visible à l'écran, cette souffrance physique authentique qui transcende l'artifice hollywoodien. Glen Powell  a respecté sa promesse initiale : aucun acteur n'aurait travaillé plus dur. Cette authenticité physique renforce la dimension prophétique de l'œuvre. King avait prédit notre futur ; le cinéaste le réalise avec une honnêteté brutale qui rend le miroir tendu encore plus inconfortable.


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The Running Man arrive au moment précis où nous pouvons encore choisir une autre trajectoire. La prophétie reste évitable. Mais le film suggère que chaque jour qui passe, chaque compromission acceptée, chaque injustice tolérée nous rapproche inexorablement du cauchemar entrevu par Stephen King en 1982. Richards court pour survivre. Nous regardons sa course sans vraiment bouger. Cette passivité collective constitue peut-être la prédiction la plus terrifiante du roman devenu réalité.


Edgar Wright livre une adaptation qui honore pleinement sa triple promesse. Implacable dans sa mécanique narrative qui broie son héros sans répit, électrique par l'énergie brute que Glen Powell insuffle à chaque plan, prophétique dans sa capacité à révéler combien la dystopie de de l’auteur à succès résonne avec notre présent : ce Running Man frappe avec force et cruauté. Le cinéaste britannique transforme la course mortelle en miroir tendu à une société qui préfère contempler la violence plutôt que l'affronter.


Sortie en salle le 19 novembre 2025




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Article rédigé par Imanos Santos

Direction Publicité & Communication : Laure Jourdan

Création graphique : Azaes Création

Rédactrice en chef : Marie-Ange Barbancourt

Directeur de publication : Rémy Bonin

Créateur et fondateur du magazine : Serge Leterrier

Édité par Diamont History Group Média


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