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Photo du rédacteurMarie Ange Barbancourt

Emilia Pérez

Emilia Pérez

Le Chef d’oeuvre de Jacques Audiard représentera la France aux Oscars

 

Par Marie Ange Barbancourt

 Rédactrice en Chef et Directrice du développement Diamont History Group

 

 

Intriguant ! Audacieux ! Réussie !


Emilia Pérez est aux portes de Montréal. Ce film qu’on peut qualifier de multigenre est déjà sorti en France au mois d’août avec plus d’un million d’entrées au box-office. Lors du dernier Festival de Cannes, il a eu un  accueil époustouflant tant du côté de la critique, des festivaliers que des membres du jury qui ont récompensé l’œuvre avec le prix du jury et le prix d’interprétation pour les actrices. J’étais à la première et, ma foi, j’ai applaudi durant les 11 minutes de cette ovation, debout. Emilia Pérez est du Audiard poussé au-delà de nos attentes, avec un risque bien calculé et un casting audacieux. Encore une fois, il a réussi à nous mettre à genoux devant une création au parfum du temps présent et du futur.


Capture d’écran @ Netflix Karla Sofia Gascòn

Emilia Pérez


c’est Karla Sofia Gascón qui incarne un chef de cartel de drogue, Manitas Del Monte, homme puissant et sans pitié connu pour ses crimes violents. Il fait appel à une avocate, Rita Moro Castro, qui saute sur l’occasion, désabusée du cabinet où elle travaille.  Manitas veut qu’elle l’aide à mettre son plan à exécution ; son rêve de devenir femme lui pèse de plus en plus. L’avocate criminaliste sera chargée de tout organiser pour cette grande opération, de la simulation de sa mort afin  qu’il puisse endosser sa nouvelle vie, laissant ainsi derrière lui femme et enfants et son quotidien de criminel.  Le chef de cartel va recommencer  sous un nouveau nom : Emilia Pérez. Elle voudra une rédemption en aidant les victimes d’actes criminels.


Un drame musical qui, au fil des minutes, se transforme sur l’écran, passant d’un genre à l’autre. Thriller, mélodrame, dans un univers décadent, sordide,  ponctué par-ci par-là de chants, de musique qui nous arrivent comme des interludes. Loin d’être dérouté, on reste accroché au propos, curieux de voir où le cinéaste nous emmène avec tous ces changements de ton où se mêlent aisément une atmosphère théâtrale grandiloquente sans dénaturer le médium cinématographique.  Le thème de la vaginoplastie est amené à travers un homme qui au départ est dur, cruel et remplit toutes les conditions du machisme, vivant  dans un monde sans pitié. C’est encore là la dangerosité du risque quand, lors de la rencontre avec cette avocate, il  avoue son mal-être d'être un homme ; le masque de la caricature n’aurait pas été loin chez d’autres, mais Audiard, passé maître dans le cinéma de genre, évite tous les pièges pour nous livrer un spectacle grandiose à travers une histoire teintée de violence, de tendresse, de cruauté adoucie par les avenues musicales de numéros.


Jacques Audiard un réalisateur hors norme

 

Jacques Audiard, en touchant à cette histoire, aurait pu se perdre dans le traitement mais non! On s’étonne de voir que la cohérence reste, l’histoire est racontée avec aplomb, avec une bonne direction d’acteurs. Le réalisateur, on le sait, aime marier les genres, c’est son approche de prédilection. Il aime aborder les histoires où les personnages sont pleins de contradictions. Parmi les films les plus marquants et dans mon Top 7, on peut penser à Un prophète, (Histoire d’un jeune délinquant maghrébin de 19 ans condamné à 6 ans de prison, Grand prix du jury Cannes 2009 et 9 prix Césars 2010), Les Frères Sisters, (2018, un genre de western, Lion d’argent à la Mostra de Venise et César du meilleur réalisateur en 2019), Dheepan, (2015, Palme d’or Cannes, histoire d’un réfugié tamoul Sri-lankais en France), De Rouille et d’os, (Adapté de nouvelles de l’auteur canadien Craig Davidson un mélodrame social Compétition officielle Cannes 2012, neuf nominations César 2013), De battre, mon cœur s’est arrêté, (2005, une histoire pleine de rebondissements d’un jeune homme qui veut suivre la trace de son père véreux et revendeur immobilier, un personnage sans cœur et paradoxal, huit Césars dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur), Les Olympiades, (2021, une adaptation de la série de bande dessinée d’Adrian Tomine) et bien sûr Emilia Pérez, ( Prix du jury, Prix d’interprétation pour les actrices Cannes 2024). 


On se souviendra que dès son premier film sorti en 1994, Regarde les hommes tomber, le cinéaste remporte le César de la Meilleure première oeuvre.  C’était là une belle indication pour la suite des choses.


Affiche @ Netflix

Un Casting impeccable

 

Karla Sofia Gascón (née Carlos Gascón ) est une véritable révélation d’autant plus que c’est un sujet qu’elle connaît bien. L’actrice espagnole  est une femme transgenre, les deux côtés ne lui étant pas étranger, ses incarnations de Juan « Manitas » del Monte et Emilia Pérez nous font tomber à la renverse. On ne s’est pas étonné du prix d’interprétation à Cannes, largement  mérité. Elle est d’ailleurs la première personne transgenre à obtenir une telle récompense au Festival,  prix obtenu avec les autres actrices Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz. 

Son parcours sous le nom de Carlos Gascón sera jalonné de courts-métrages, de publicités qui marquent ses débuts, de séries télévisées (telenovelas, près d’une dizaine), et de longs métrages tels Box 507, un thriller espagnol d'Enrique Urbizu, ou encore Nosotros, los Nobles de Gary Alazraki. Le film d'Audiard est son neuvième long métrage et le premier en tant que femme.  C'est en 2016, âgé de 46 ans que Carlos, au top de sa carrière d’acteur, entame les démarches et prend le nom de Karla Sofia.  Une actrice, tout court, sans aucune autre appellation.  Elle est surprenante dans ce double rôle. 

 

 

Zoé Saldana (Rita Moro Castro) est carrément phénoménale dans le rôle de Rita, cette avocate hors pair.  On la connaît , elle se passe de présentation et ne cesse d’étonner depuis ses débuts.  Elle a commencé par des films de jeunesse puis elle entamera des rôles un peu plus consistants avec Le Terminal de Spielberg, en passant par Pirates des Caraïbes, La Malédiction du Black Pearl de Gore  Verbinski. Elle fera partie d’une série américaine Six degrés avant des apparitions dans Vantage Point (Angles d’Attaque) de Pete Travis ou encore Star Trek d'Abrams, Avatar de James Cameron qui lui donne une grande reconnaissance internationale. Elle poursuivra sa carrière avec des films tantôt modestes tantôt de grande envergure tels que Les Gardiens de la Galaxie de James Gunn.  Entre 2000 et 2024, Zoe Saldaña a tourné dans quelques 70 films et séries.

 

 

Selena Gomez (Jessi del Monte, la femme de Manitas), chanteuse et actrice, elle débute dans des séries pour enfants comme Barneys and Friends, Les Sorciers de Waverly Place, Hannah Montana pour la chaîne Disney et a continué à jouer dans des séries. Son premier long métrage est  Spy Kids 3 ; Mission 3D de Robert Rodriguez (réalisateur américain). Entre 2002  et 2024, elle fera près de quarante films et séries.   Avant le film d’Audiard, un documentaire lui a été consacré, My Mind and Me, par le réalisateur Alek Keshishian (In Bed With Madonna) qui parle de six ans de sa vie, de sa célébrité, de ses troubles bipolaires, et de ses luttes pour se retrouver, sorti en 2022 sur Apple TV.   Dans Emilia Perez, elle livre une performance extraordinaire dans le rôle de la femme de ce chef de cartel.

 

Adriana Paz (Epifania), actrice et danseuse d’origine mexicaine. C’est en Espagne qu’elle débute après avoir pris des cours de danse et  d’art dramatique.  Elle a fait du théâtre, de la publicité et a, de 2003 à 2024, tourné dans plus de vingt films, surtout dans des rôles de soutien en majorité. Si elle a joué dans Elysium de Neil Blomkamp, ou dans une scène de  007 Spectre du britannique Sam Mendes, Paz a beaucoup travaillé avec des réalisateurs espagnols et mexicains tels que Carlos Cuarón, Carlos Carrera, et Manolo Cardona. Une actrice dont la carrière franchira une autre étape avec sa performance dans le rôle d'Epifania 


Capture d’écran -Selena Gomez, Zoé Saldana @Netflix

« Emilia Perez » de Jacques Audiard  Un chef d’oeuvre !


Il représentera la France dans la catégorie Meilleur Film International.  On verra bien ce que nous réserve les Oscars et les Césars.


 À voir !


Écrit et réalisé par Jacques Audiard en espagnol en anglais et en français

132 minutes en salle le 1er Nov au Canada en V.O. et en V.O. avec s.-t.f., puis sur Netflix le 13 novembre.



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