Hollywood…You, XXX
Une histoire de rédemption
Par Marie Ange Barbancourt
Rédactrice en Chef et directrice du développement diamant History Group
Avec Hollywood… You, XXX, Daniel Morin nous livre une histoire qu’il n’a pas malgré tout laissé définir sa vie. Il est essentiel qu’on s’y attarde parce que chez les hommes c’est l’omerta quand ils sont victimes d’agressions sexuelles… Parce qu’un homme, ça ne parle pas… Il doit se taire pour ne pas laisser voir sa vulnérabilité.

Qui est Daniel Morin ?
Auteur de livres, Producteur de cinéma depuis une trentaine d’années, il privilégie des histoires audacieuses tel que, J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires de Xavier Dolan. Hors les murs, Je suis à toi et Les tortues de David Lambert, Comment conquérir l’Amérique en une nuit de Dany Laferrière. Il est aussi scénariste, citons Tendre Guerre (son premier film en tant que cinéaste) Station Nord (conte de Noël réalisé par Jean-Claude Lord). Son premier livre Le diplomate (1er tome ) a été publié en 2022 et avant d’entamer le 2e tome, il vient de commettre Hollywood…You, XXX un livre où l’auteur dévoile un journal intime.
Des mots libérés dans un langage imagé
Dans un récit touchant révélateur de la face cachée d’une douleur vieille de quarante ans. Ni racoleur, ni supplique, le roman de Daniel Morin nous emmène sur les plages d’un livre brodé sur des cailloux d’une vie. C’est l’histoire d’Ulysse, mais Ulysse c’est Daniel Morin qui a vécu dans le silence, la peur et la honte d’être jugé. Écrit à la première personne, une relation s’établit vite entre le lecteur et le narrateur et fait naître en nous des émotions diverses. Toute une acrobatie après quatre décennies que de chercher dans ses souvenirs pour écrire cet ouvrage de la rédemption. Un besoin profond de tout révéler à ce stade-ci de sa vie, comme pour, à son tour, faire face à l’innommable dans ce courant nouveau qui mène les hommes sur les rives du : voici ce qui m’est arrivé dans un courant de #Mee-too.
Il nous raconte la nuit de tous les cauchemars quand lui et son ami sont invités un soi-disant fête dans la cité des Anges.
Il étale ce périple dans un livre touchant empreint d’humour pour alléger le propos et ainsi le rendre supportable. Ce jeune homme de 18 ans qui quitte sa Gaspésie pour aller vers son rêve américain qui était le cinéma. Il va rencontrer un prédateur qui fréquente le restaurant voisin d’une auberge de jeunesse, qui amadoue les jeunes en devenant leur ami avant de les conduire à l’abattoir.
« Alors quand il nous a invité à cette fête, pour nous, on voyait que c’était l’aubaine, on s’est dit enfin on va rencontrer des gens du milieu du cinéma, on va dans une grosse baraque à Pacific Palissade sur la montagne, on a jamais pensé deux minutes que c’était un piège. »
C’est à Paris que L’auteur s’est réfugié, il y a deux ans, dans une espèce d’état d’urgence de libération de la parole pour raconter l’histoire d’Ulysse. En deux semaines, il a commis la première version du livre. Se relisant il va vite se rendre compte que la distance qu’il voulait prendre en écrivant ce roman s’était extraordinairement rétrécie. Ulysse l’avait enfin aider à fouiller les tréfonds de son âme pour en extirper les secrets désormais trop lourd à porter.
« Franchement convaincu qu’il suffisait d’appeler mon héros Ulysse et d’envelopper mon histoire dans les petites fantaisies de mon imaginaire pour camoufler la réalité, quelle ne fût pas ma surprise, à la relecture de ma toute première version, de découvrir que ce gentil roman que je croyais à mille lieues de mes secrets d’antan et que j’aimais astucieusement enveloppé dans la musique, la poésie, l’humour et les fantasmes de l’adolescence, n’était rien d’autre que le miroir de ma vie ».
Malgré cette écriture l’auteur n’arrivait pas à se défaire de la peur .
« Au début j’étais un petit peu terrorisé et puis à un moment donné, je me suis dit : si c’est sorti c’est que ça devait sortir. Quand Aurélien Wiik, le comédien français, a fait son Coming Out en mars dernier en créant le phénomène #Mee too Boy, je l’ai appelé lui disant : j’ai envie de joindre ma voix à la tienne, contrairement à toi ce qui m’est arrivé ça fait quand même assez longtemps. Mais je pense que j’ai besoin d’en parler, J’ai besoin de faire sortir ça. »
C’est un livre d’espoir pour les gens qui vivent dans cette terreur qu’un jour leur secret soit dévoilé. Le titre aurait pu être : Ne tuez pas la beauté du monde, comme le titre d’une des chansons qui a bercé ses secrets tant il y a l’espoir entre les lignes de ce récit douloureux. Comme on dit la lumière luit dans les ténèbres et cette petite lumière ne s’est jamais éteinte malgré les passages à vide, le désarroi, l’omerta, et les thérapies chez un sexologue spécialisé qui lui a suggéré l’exercice d’un face à face avec lui-même en s’écrivant une lettre.
« C’est la chose la plus difficile qu’il soit de faire face à soi-même, une lettre à moi-même pour me pardonner, je peux te dire, ça a été un exercice très bouleversant parce que de s’écrire à soi-même, de se pardonner, de passer du statut de victime au statut de survivant, c’est un grand pas, et je suis content de l’avoir fait.»
«Ulysse, il était au fond de moi, il fallait que je me réconcilie avec mon petit You de mes 18 ans et puis il y a quelque chose aussi, il faut quand même se le dire, j’ai réalisé mon rêve, même si je ne suis pas devenu acteur,»
Durant sa jeunesse, y a t-il eu un moment où la confidence aurait pu être possible à son retour au pays ?
« Je n’aurais pas été capable, j’aurais pas survécu, j’aurais eu beaucoup trop peur d’être jugé et puis, en plus, il y avait toute mon ambiguïté sur la sexualité, je pense que je n’aurais pas été capable d’absorber la parole, ça a été pour moi une forme de protection, de garder le silence »
Débarrassé de ce poids qu’il partage désormais non seulement avec le lectorat mais aussi avec ses amis et sa famille puisqu’il n’a pas eu le courage de se soulager avant, tétanisé par la peur du jugement à l’emporte-pièce. Ses parents, personne n’a jamais su avant Hollywood…you, XXX .
« Ma conjointe a été parmi les premiers à le lire, ça fait quand même des années qu’on est ensemble, on a des enfants. Elle a plus vue ça comme quelque chose de jeunesse et puis on en a beaucoup parlé. Ça a été plus dur avec ma sœur et mes parents parce que j’en ai jamais parlé à personne.»
Daniel, est-ce que tu peux dire aujourd’hui je suis complètement libéré, je suis un survivant et je suis fortement heureux de l’avoir fait et que je n’y pense plus, c’est complètement derrière moi ?
« Exactement, je te dirai que ma date butoir c’était le 21 octobre date du lancement du livre »
Une leçon de choses, une leçon de vie qui fait dire que les abus ne définissent pas une vie. Il faut libérer la parole pour son salut.
Un Film Peut-être ?
« Oui je suis en pourparlers là-dessus avec un producteur français »
Je souhaite cette rédemption à toutes les victimes d’abus sexuels.
«Tout à fait c’est une rédemption, je pense que le personnage d’Ulysse c’est quelqu’un qui aime la vie, après le viol, il se raccroche, c’est vrai, il choisit la lumière après cette rencontre avec Calvin (personnage du roman), il a compris que la vie valait la peine d’être vécue…»
Hollywood… you, XXX aux éditions Balzac! À lire

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