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Photo du rédacteurSerge Leterrier

Rien ne va plus à l'ONF pour l'ACIC

Quand l’incompréhension se glisse dans la machine cinématographique


Par Marie Ange Barbancourt

Rédactrice en Chef et Directrice du développement des Magazines Diamond History Group

 

Il y a quelques semaines, dans mon éditorial du Magazine Kariata consacré au cinéma j’écrivais en guise de cri d’alarme ce qui me paraît essentiel pour l’avenir du cinéma tel que nous le connaissons dans des pays où le cinéma est porté par les pouvoirs publics, où l’éditorial est quelque part entre les mains de la machine publique.  Ne voilà t-il pas que la semaine dernière l’ONF ( Office National du film. Rien à voir avec Téléfilm Canada) annonçait le démantèlement de son programme d’aide au cinéma indépendant du Canada. Un groupe de cinéastes sous l’appellation La coalition « Sauvons l’ACIC » a été formé suite à cette annonce.  Plus de 530 artisans du milieu ont signé une lettre pour s’élever contre les mesures annoncées.

invincible (un des films ayant eu l'aide ACIC)

Trois critères : la faisabilité, une représentation équitable de la diversité culturelle, régionale et de genre, selon la ligne éditoriale de la programmation de l’ONF.


Voudrait-on s’ériger en censeur du documentaire ou de la  fiction qui pourraient être accepter (selon les nouveaux  critères) seulement si le propos correspond à L’éditorial dicté par l’ONF?  Un geste qui sans nul doute mettrait l’artiste dans une position délicate dans le processus créatif à l’heure où il faut faire attention dans tout et pour tout. Serait-ce une chronique annoncée pour une mort lente du programme.

Le 23 avril dernier, une première lettre en guise de supplique  a été envoyée à M. Richard Cormier, directeur général et chef de la programmation de l’ONF mais l’entreprise  a été vaine.

 

Extrait du communiqué des artisans:


« Elle supprime également l’aide en argent qui était octroyée aux cinéastes hors de Montréal, fragilisant encore davantage le cinéma francophone des régions et hors du Québec. De plus, elle coupe l’accès aux salles de montage, préférant des salles vides à la présence des cinéastes indépendant(e)s dans ses murs. Enfin, elle souhaite que les projets choisis reflètent la ligne éditoriale de l’ONF, ce qui entraînerait pour les cinéastes une perte d’indépendance inadmissible. »

 

Un cri vient d’être lancé j’entends la voix des cinéastes indépendants qui crient à cette coupure déguisée en changement sous fond de diversité mêlé à toutes les sauces.   ACIC (Aide au cinéma indépendant du Canada )  tend à disparaître. Un programme qui au cours des ans apportait un soutien au cinéma indépendant depuis 51 ans. Dans CETTE lettre signée par des centaines  de cinéastes tel que Léa Pool, Denis Villeneuve, Denis Côté (pour ne citer qu’eux) et envoyé à Madame Suzanne Guèvremont, Commissaire à la cinématographie de l’Office national du film du Canada.


 On peut lire :

 

Extrait:

 

« Vous n’êtes pas sans savoir que, depuis 51 ans, l’ACIC apporte un soutien majeur à une cinématographie francophone canadienne riche et diversifiée. Le principe de l’ACIC est juste et éprouvé : offrir aux cinéastes indépendantes les espaces et les services de postproduction de l’ONF lorsque ceux-ci ne sont pas utilisés par les productions internes. Ainsi, chaque année, ce programme unique permet de mener à terme une quarantaine de réalisations (fictions, documentaires, films expérimentaux et d’animation, courts et longs métrages). Plusieurs cinéastes réputé(e)s ont fait leurs débuts à l’ACIC, tandis que d’autres y reviennent comme Fernand Dansereau qui, à 96 ans, vient d’y terminer son plus récent film. Cette structure revêt donc une importance stratégique pour les cinéastes indépendant(e)s, peu importe leur âge, leur origine et leur notoriété. »

 

Une revendication bien fondée quand on sait que le cinéma indépendant à toutes les peines du monde  à se faire financer et si l’état se met à édulcorer la sauce on peut se poser la question quel avenir réserve t-il dans ses programmes au cinéma d’auteur.  

 

Somme toute ce serait parole d’évangile avec des versets qu’on demande au milieu de boire goulûment sans rechigner.  Cette action de cinéastes indépendants est importante car il faut soulever des questions judicieuses comme celles énoncées dans cette lettre courageuse  afin que cette entreprise de démolition soit freinée.  La voix des auteurs en est une, primordiale pour que le cinéma survive et avance pour la mémoire des collectivités.

 

 

Selon la lettre :

 

- Premièrement, l’ACIC disparaîtrait pour être remplacée par une nouvelle structure nommée «Écho»,

 

Deuxièmement, l’aide en argent octroyée aux cinéastes des régions et de la francophonie de l’ensemble du pays pour qu’ils et elles puissent effectuer la postproduction de leurs films près de leur lieu de résidence serait abolie.

 

-Troisièmement, la préparation et la numérisation des médias, ainsi que l’accès aux salles de montage image et son seraient supprimés.

 

- Quatrièmement, pour nous faire accepter l’ensemble de cette déstructuration, l’ONF offrirait gratuitement la colorisation, le mixage et le master des films.

 

- Cinquièmement, l’ONF veut mettre en place un comité de sélection qui baserait le choix des projets sur trois critères : leur faisabilité, une représentation équitable de la diversité culturelle, régionale et de genre ; et enfin, ce qui ne représente pas le moindre des changements, ces projets devraient être conformes à la ligne éditoriale de la programmation de l’ONF.

 

- Sixièmement, en contrepartie des services de postproduction gratuits, l’ONF exigerait que les films soient disponibles sur sa plateforme (en deuxième fenêtre)….

 

Les créateurs doivent garder une liberté sinon ce ne serait que des pantins propagandistes d’une société du tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Le cinéma ne serait que la mémoire guidée par les humeurs de la machine bureaucratique. 

 

Extrait de la lettre:

 

« Aussi, nous demandons à être consulté(e)s et à participer collectivement à toute décision venant affecter le fonctionnement de ce programme. L’établissement d’une vision commune n’est envisageable que si le mode de coopération entre l’ONF et les différents acteurs du milieu du cinéma indépendant fait l’objet d’un consensus entre tous les partenaires. Or, les démarches entreprises jusqu’à maintenant par la direction sont contraires à ce principe, perpétuant une attitude dominatrice ne tenant pas compte de l’esprit collaboratif qui devrait naturellement s’imposer aujourd’hui.

 

Enfin, dans cette optique, il nous importe avant tout que soit préservée l’indépendance dont l’ACIC a toujours bénéficié et qui contribue à sa vitalité, à la pluralité des formes de cinéma qu’elle fait exister depuis 51 ans, tout en favorisant son rayonnement autant au Canada qu’à l’étranger. Une ACIC indépendante pour des cinéastes indépendant(e)s.

 

Bien cordialement »

 

La coalition Sauvons l’ACIC

 

« Sauvons l’ACIC est une coalition formée de cinéastes indépendant(e)s et de membres des associations et organismes suivants : Doc Québec, Réalisatrices équitables, Fric, TaCIC, Les films de l’Autre, Tënk et F pour film. »

 

Les voix s’élèvent avec raison

 

« La disparition de l’ACIC telle que nous l’avons toujours connue serait une catastrophe pour notre culture, et particulièrement pour la relève ». « De perdre la possibilité de faire notre postproduction en région n’encouragerait pas l’industrie locale et nous obligerait à payer des prix élevés de transport et de logement à Montréal pour terminer nos films »  précise  Phil Comeau, réalisateur acadien de plus d’une centaine de films.

 

Si les principaux  nouveaux critères sont la  faisabilité du projet, la représentation équitable de la diversité culturelle, régionale et de genre, la résonance quand on parle de diversité devrait être axée sur la diversité de sujets car c’est ce qui fait du cinéma un lieu de mémoire.   Les financements sont entièrement entre les mains de l’état,  au lieu de renforcer les acquis, ils sont fragilisés par des changements à l’emporte-pièce sous divers prétextes qui déstabilisent tout un groupe. Il serait important de donner un peu plus de liberté en augmentant l’enveloppe budgétaire au lieu de vouloir exercer un contrôle inadéquat sur  le travail de l’auteur.

Mynarski chute mortelle (aide ACIC)

Pour revenir à mon éditorial :


Dans un tout autre ordre d’idée, j’interpellais les ministres de la culture comme un appel au secours pour ouvrir la porte à aussi d’autres moyens de financements complémentaires pour soutenir les programmes déjà en place : (extrait de l’éditorial du magazine de cinéma Kariata):


« L’avenir réside aussi dans le financement privé.  Ce financement privé que nous avons peine à avoir dans certains pays du monde où on est seulement collé sur les gouvernements  qui ne  pourront pas dans les  années futures supporter cette grande  diversité  de talents. Immanquablement on passera à côté de films exceptionnels, on passera à côté  de réalisateurs et réalisatrices prodigieux (ses) et de leur vision du monde. Je crois qu’il est temps  que les Ministres de la culture, les Ministres du Patrimoine de tous les pays se penchent sur la question au sein de leur gouvernement pour qu’il y ait des lois de défiscalisation afin que les détenteurs et détentrices de grandes fortunes qui le souhaitent, convergent vers le cinéma qui doit pouvoir compter sur le mécénat qui est à ce stade-ci timide dans les pays où le cinéma est hautement financé par l’État déjà essoufflé par des problèmes divers.

Une politique claire de défiscalisation pourrait amener de l’argent neuf pour qu’on ait une réelle industrie cinématographique; et que l’éditorial soit un peu plus entre les mains des artistes et artisans du cinéma, ça aussi ce ne serait pas une mauvaise chose. »

 

Si aujourd’hui une autre source de financement est menacé, il ne faudrait pas que cette  lettre du groupe de cinéastes soit un coup d’épée dans l’eau.

 

« Parmi les nombreux films soutenus par l’ACIC s’étant démarqués, citons Mynarski chute mortelle de Matthew Rankin, sélectionné dans une quarantaine de festival et gagnant du prix Off-limits au prestigieux festival d’animation d’Annecy, Les négatifs de McLaren de Marie-Josée Saint-Pierre,  sélectionné dans plus de 150 festivals à travers le monde, Soleils noirs de Julien Elie, présenté dans une vingtaine de pays et récipiendaire d’une dizaine de prix, Marguerite de Marianne Farley, en nomination aux Oscars en 2019, Invincible de Vincent René-Lortie, un des cinq courts métrages finalistes aux Oscars 2024. 

Pour toutes ces raisons, nous exigeons que soit préservée une ACIC indépendante pour des cinéastes indépendant(e)s  »

 

Quand l’incompréhension se glisse dans la machine cinématographique  c’est que rien ne va plus. La ministre du patrimoine devrait s’en mêler pour que le cinéma soit une affaire de créateurs et non un éditorial dicté par la machine de l’état. Des éléments fondamentaux disparaissent petit à petit mais sûrement. Il est tout aussi important de sensibiliser tous les paliers de gouvernement afin que le cinéma et son Éditorial demeure la question de l’artiste.  Espérons que les voix seront entendues.

 

Je vous laisse un lien pour consulter cette lettre empreint de cordialité envoyé par le groupe à L’ONF (office national du film).

 


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