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FESTIVAL CZECH-IN

  • Photo du rédacteur: Anthony Xiradakis
    Anthony Xiradakis
  • 7 oct.
  • 6 min de lecture

CHRONIQUE DU FESTIVAL CZECH-IN

L'Âme Slave de l'Europe


Par Antony Xiradakis


Paris, 16-19 octobre 2025 : 11e Edition

Quand la mémoire cinématographique centre-européenne dialogue avec l'universel


Il est des festivals qui naissent de la nécessité, et d'autres de l'urgence. Le Festival Czech-In, qui investit une nouvelle fois les salles obscures parisiennes en octobre 2025, appartient indéniablement à cette seconde catégorie. Urgence de montrer, urgence de transmettre, urgence de révéler au public français la richesse d'une cinématographie que l'Histoire a trop longtemps reléguée aux marges de notre attention. En contemplant l'édition précédente (2024), festival qui se déploie au Cinéma Saint-André des Arts, on ne peut s'empêcher de songer à ces îlots de résistance culturelle qui, génération après génération, maintiennent vivant le dialogue entre les peuples par-delà les frontières politiques et les cicatrices du temps.


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La Féminisation d'un Art en Mutation


Cette année, le festival place au cœur de sa programmation un enjeu esthétique et politique fondamental : l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes femmes tchèques et slovaques qui redessinent les contours de l'imaginaire centre européen. Tereza Nvotová, réalisatrice slovaque évoluant entre Prague et New York, ouvre le festival avec Nightsiren (Světlonoc), œuvre mystérieuse tournée dans la campagne slovaque et récompensée par le Léopard au festival de Locarno. Ce choix inaugural révèle l'ambition programmatique du festival : faire du cinéma féminin centre européen le prisme principal à travers lequel  nous pouvons appréhender les mutations contemporaines de ces cinématographies.


Beata Parkanová et Lucie Králová, deux autres figures emblématiques de cette renaissance, incarnent cette génération de créatrices qui ont été récompensées tant dans leur pays qu'à l'étranger, Parkanová ayant notamment remporté le Globe de cristal à Karlovy Vary pour Parole. Ces parcours individuels dessinent en filigrane une cartographie plus vaste : celle d'un espace cinématographique centre européen qui se réinvente en puisant dans ses racines les plus profondes tout en intégrant résolument la modernité.


Cette féminisation du regard ne constitue pas un phénomène isolé, mais s'inscrit dans la continuité d'une tradition déjà ancienne. Věra Chytilová (1929-2014), figure tutélaire du cinéma tchèque avec ses Petites Marguerites (1967), avait déjà ouvert la voie à cette approche subversive et poétique qui caractérise aujourd'hui ses héritières spirituelles. L'art de ces nouvelles cinéastes ne procède pas de la table rase, mais de la réappropriation créative d'un héritage qu'elles transforment en l'assumant.


Géopolitique des Coproductions Centre-Européennes


Au-delà de la dimension genrée, le Festival Czech-In 2025 révèle un phénomène géopolitique fascinant : l'intensification des coproductions au sein du bloc d’Europe Centrale. Des œuvres comme Photophobia, coproduction entre la Tchéquie, la Slovaquie et l'Ukraine, témoignent de cette volonté de transcender les frontières nationales pour créer un espace cinématographique transnational cohérent.


Cette logique de coproduction ne relève pas du simple pragmatisme économique, mais d'une vision esthétique et politique plus profonde. Elle traduit la conscience qu'ont acquise ces cinématographies de partager un destin historique commun, forgé par les épreuves du XXe siècle et les défis de la construction européenne. Les films présentés cette année constituent ainsi autant de chapitres d'un récit collectif qui se cherche et s'invente.


Les évolutions récentes du financement, notamment le fait que « le Fonds tchèque soutient désormais les coproductions minoritaires » et l'espoir d'une « incitation à la production de 20% » approuvée par Bruxelles, dessinent les contours d'un écosystème économique favorable à cette coopération renforcée. La République tchèque, comme le soulignent les professionnels du secteur, « est en train de devenir un endroit côté pour tourner », attirant productions internationales et talents régionaux dans une dynamique vertueuse.


L'École de Prague : Laboratoire de l'Innovation


La prestigieuse école de cinéma FAMU à Prague et l'Académie du cinéma Miroslav Ondříček à Písek, « depuis longtemps des foyers d'innovation et de créativité en Europe centrale », constituent l'arrière-plan institutionnel de cette effervescence créative. Ces institutions, héritières d'une tradition pédagogique exceptionnelle, forment aujourd'hui une nouvelle génération d'artistes qui perpétuent l'excellence technique tout en renouvelant radicalement les approches esthétiques.


Le programme exceptionnel présentant « sept courts-métrages d'animation réalisés par des étudiants et jeunes diplômés, incarnant la nouvelle vague de l'animation tchèque : un regard audacieux, personnel et souvent intime sur le monde contemporain – entre réalisme brut, poésie visuelle et engagement sensible » illustre parfaitement cette alchimie particulière entre héritage et innovation qui caractérise l'école pragoise.


Cette dimension pédagogique du festival, souvent négligée par les commentateurs, revêt pourtant une importance capitale. Elle témoigne de la volonté de ne pas seulement montrer les œuvres accomplies, mais de révéler les processus de création, les recherches formelles, les expérimentations qui préparent le cinéma de demain.


Mémoire Historique et Modernité Esthétique


L'une des qualités les plus remarquables des œuvres présentées réside dans leur capacité à articuler mémoire historique et modernité esthétique sans jamais sombrer dans la nostalgie stérile ou l'avant-gardisme gratuit. Ces films portent en eux les traces des traumatismes du siècle passé – occupation nazie, régime communiste, transition démocratique – tout en développant un langage cinématographique résolument contemporain.


L'histoire du cinéma slovaque, depuis Sněženka z Tatier (Chute de neige dans les Tatras, 1919) d'Olaf Larus-Racek jusqu'au Jánošík (1921) de Jaroslav Siakeľ mettant en scène le brigand et héros national slovaque Juraj Jánošík, révèle cette constante préoccupation identitaire qui traverse les décennies. Les cinéastes d'aujourd'hui héritent de cette interrogation fondamentale sur l'identité nationale et européenne, mais la reformulent dans les termes de notre époque mondialisée.


Cette dialectique entre local et universel, entre tradition et modernité, constitue peut-être la clef de compréhension de ces cinématographies. Elles puisent leur force dans leur enracinement géographique et historique tout en développant un langage accessible au public international. Le Festival Czech-In, en présentant ces œuvres au public parisien, participe de cette circulation des imaginaires qui enrichit la culture européenne contemporaine.


L'Écosystème Festival : Une Diplomatie Culturelle Subtile


La programmation du festival, organisée par des passionnés en collaboration avec les institutions culturelles tchèques et slovaques, révèle une forme subtile de diplomatie culturelle. Se déroulant au Cinéma Saint-André des Arts en collaboration avec le Festival La Rochelle Cinéma, l'événement tisse des liens entre différents acteurs de la promotion cinématographique française et centre-européenne.


Cette dimension diplomatique ne doit pas être sous-estimée. À l'heure où l'Europe centrale fait face à des défis géopolitiques majeurs, la culture cinématographique constitue un vecteur privilégié de soft power. Les films présentés véhiculent une image de dynamisme créatif, d'ouverture démocratique et d'innovation artistique qui contribue au rayonnement international de ces pays.


Les projections satellites prévues en novembre dans les départements étendent cette influence au-delà de la capitale, créant un réseau de diffusion qui démultiplie l'impact culturel de l'événement. Cette stratégie de déploiement territorial témoigne d'une vision à long terme qui dépasse la simple manifestation ponctuelle pour s'inscrire dans une logique de développement des publics.


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L'Enjeu de la Transmission Générationnelle


Au-delà des enjeux esthétiques et géopolitiques, le Festival Czech-In soulève une question fondamentale : celle de la transmission générationnelle des cultures cinématographiques nationales à l'ère de la mondialisation. Comment maintenir vivantes des traditions cinématographiques spécifiques dans un marché dominé par les productions hollywoodiennes et les plateformes de streaming ?


La réponse apportée par le festival semble résider dans cette articulation subtile entre excellence artistique et accessibilité culturelle. Les œuvres présentées ne sacrifient jamais leur spécificité culturelle à la recherche d'un prétendu « langage universel », mais elles développent une sophistication formelle qui leur permet de toucher un public élargi sans renier leur identité.


Cette stratégie s'avère d'autant plus pertinente que les nouvelles générations de spectateurs, formées par les réseaux sociaux et la circulation internationale des contenus, se montrent particulièrement réceptives à la diversité culturelle dès lors qu'elle s'exprime dans des formes artistiques innovantes.


L'Europe des Cinémas


En refermant les portes de cette dixième édition, le Festival Czech-In 2024 laisse une impression profonde : celle d'avoir assisté non pas seulement à une manifestation cinématographique, mais à un laboratoire vivant de la construction européenne. Ces quatre jours parisiens auront permis de saisir comment des cinématographies périphériques peuvent contribuer au renouvellement de l'art cinématographique européen tout en préservant leur singularité.


L'accent mis sur les femmes cinéastes et les coproductions centre-européennes dessine en filigrane une Europe des cinémas plurielle, créative, émancipée des logiques commerciales dominantes. Une Europe qui se construit par l'art et le dialogue culturel plutôt que par les seules considérations économiques et politiques.


Dans l'obscurité bienveillante des salles parisiennes, spectateurs français et centre-européens auront partagé quelque chose d'essentiel : la conviction que le cinéma demeure un art capable de transcender les frontières tout en célébrant les spécificités culturelles. Cette leçon de fraternité européenne, dispensée image après image, constitue peut-être l'héritage le plus précieux de cette édition mémorable.


L'âme slave de l'Europe a trouvé, le temps d'un festival, sa voix parisienne. Elle résonne encore dans nos mémoires, promesse d'autres découvertes et d'autres partages à venir.


Nous vous donnons rendez-vous à Paris pour cette nouvelle éditions Festival Czech-In

du 16 au 19 octobre 2025

 

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