ANORA
De Sean Baker
Le Conte de Fées Moderne de Sean Baker
Par Serge Leterrier
« Je voulais mettre en avant une travailleuse du sexe digne et forte, car je trouve que ces personnes sont trop souvent stigmatisées. » Sean Baker – Anora (source : https://www.20minutes.fr/)
La 97e cérémonie des Oscars, prévue le 2 mars 2025 au Dolby Theatre de Los Angeles, s'annonce particulièrement excitante cette année. Les nominations, dévoilées le 23 janvier 2025, mettent en lumière plusieurs films remarquables. La Palme d'Or 2024, Anora de Sean Baker, fait partie de ceux-là, avec des nominations dans les catégories majeures (Meilleur film, Meilleure réalisation pour Sean Baker, Meilleure actrice pour Mikey Madisson, Meilleur acteur dans un second rôle pour Yura Borisov).

En tant que cinéphile passionné, je suis constamment à la recherche de films qui transcendent les frontières du conventionnel. Anora, la dernière création de Sean Baker, est précisément ce genre d'œuvre qui redéfinit les contours du cinéma contemporain. Ce film est une véritable odyssée visuelle et émotionnelle, un kaléidoscope d'expériences humaines qui défie toute catégorisation simpliste. Le cinéaste nous invite à plonger dans un monde où les dichotomies traditionnelles - richesse et pauvreté, amour et opportunisme, rêve américain et réalité crue - s'entrechoquent et se fondent. À travers le prisme d'Anora, nous sommes confrontés à nos propres préjugés et à la complexité de l'existence moderne. C'est un film qui provoque, questionne et, ultimement, transforme notre perception de la société dans laquelle nous vivons.

« C'est une comédie décalée ! Disons que pendant les 50 premières minutes, on vous offre une comédie romantique, mais ensuite, ce sont 90 minutes de réalité brute. » Sean Baker
Le dernier film du réalisateur, sorti en 2024, est une œuvre cinématographique qui mêle habilement comédie, drame et critique sociale, tout en explorant les thèmes récurrents du réalisateur : la marginalité, le sexe-travail et les inégalités sociales.
L'histoire se concentre sur Anora, une jeune strip-teaseuse de Brooklyn interprétée avec brio par Mikey Madison. La vie d'Anora prend un tournant inattendu lorsqu'elle rencontre Vanya (Mark Eydelshteyn), le fils d'un riche oligarque russe. Cette rencontre fortuite propulse Anora dans un monde de luxe et d'opulence auquel elle n'était pas habituée, culminant avec un mariage impulsif à Las Vegas. C’est une Cendrillon contemporaine qui va être entraînée dans une spirale qui la dépasse complètement. Ainsi, lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage.
Le réalisateur dépeint cette union comme un caprice de jeunesse, mais aussi comme le catalyseur d'une série d'événements qui vont bouleverser la vie d'Anora. Les parents de Vanya, incarnés par Aleksei Serebryakov et Darya Ekamasova, n'approuvant pas cette union et mettent tout en œuvre pour faire capoter cette union. Cette intrigue permet à Sean Baker d'explorer les tensions entre différentes classes sociales et cultures, tout en offrant un commentaire acerbe sur l'Amérique contemporaine.

Ce long métrage a été un véritable vent de fraîcheur sur la croisette pour un accueil très chaleureux, contrairement à ce qu’aurait pu craindre Sean Baker, sachant que ses films sont toujours sujets à la controverse. Forte de ses 7,5 minutes de standing ovation, le contrat a été rempli, le public a salué l’humour, le peps d’Ani et la truculence de l’histoire. Une expérience provocatrice et hilarante dans un anti-conte de fées doté d’une intrigue à rebondissements.
Anora, qui signifie « grenade » en Ouzbèque était prédestinée à déclencher une explosion unique sur la Croisette. Une réalisation composée de drame, de romance, de charme et d’humour saupoudrée de bonnes intentions. C’est le sourire aux lèvres, que Sean Baker confiera à Lolita Mang de Vogue :
« Ce que je voulais, c'était transposer l’histoire de Cendrillon dans les États-Unis d’aujourd’hui » (source : https://www.vogue.fr/)
Et comme il se doit, le réalisateur américain a remporté, pour ce film, la prestigieuse Palme d'Or au Festival de Cannes, le 25 mai 2024. Cette récompense couronne le huitième long-métrage du cinéaste, connu pour son regard bienveillant sur les laissés-pour-compte de la société américaine.

Au-delà de l’excellence du film Anora, c’est la prestation de Mikey Madison qui a captivé les critiques et le public. Cette comédienne de 25 ans, célèbre pour ses rôles dans Better Things, Once Upon A Time… in Hollywood de Tarantino et Scream, a séduit les spectateurs par ses différentes interprétations empreintes de spontanéité.
Comme dans ses précédents films, le cinéaste offre un regard sans jugement sur le travail du sexe, tout en critiquant la corruption et l'hypocrisie des élites. Le film explore également les dynamiques de pouvoir au sein des relations, qu'elles soient personnelles ou professionnelles.
Le style visuel est particulièrement remarquable dans le film. Le réalisateur utilise sa caméra pour créer un contraste saisissant entre le monde nocturne et interlope de Brooklyn et l'univers clinquant des oligarques russes. Les scènes de strip-tease et de danse érotique sont filmées avec respect et élégance, sans jamais tomber dans le voyeurisme gratuit.
L'une des plus grandes réussites de cette réalisation est la façon dont Sean Baker parvient à équilibrer les éléments comiques et dramatiques du film. Des scènes hilarantes côtoient des moments de tension intense, créant un rythme qui maintient le spectateur en haleine tout au long du film. Cette production représente véritablement une nouvelle étape dans la carrière de Sean Baker, confirmant son statut de cinéaste majeur du cinéma indépendant américain. Le film est à la fois divertissant et profond. Avec sa mise en scène virtuose, ses performances d'acteurs remarquables et son scénario intelligent, Anora s'impose comme l'un des films les plus marquants de l'année 2024.

La Symphonie des Oubliés
Sean Baker a réussi à créer, avec Anora, un miroir de notre société, reflétant ses contradictions et ses beautés cachées. Ce film restera dans les mémoires non seulement pour son audace narrative et sa virtuosité technique, mais surtout pour la manière dont il transporte les ressentis et les pensées dans une symphonie des oubliés. Il rappelle à lui seul pourquoi nous aimons tant le cinéma : sa capacité à nous transporter, à nous transformer et à nous faire voir le monde sous un nouveau jour. Un film à voir, une expérience à vivre, un voyage émotionnel et intellectuel qui vous trottera dans la tête. C'est le genre d'œuvre qui redéfinit les attentes du public et ça c’est génial.
Sean Baker est un alchimiste, transformant les vies ordinaires et plombées en or visuel sur grand écran. Ses films sont des miroirs magiques qui reflètent les facettes cachées de l'Amérique, capturant la beauté brute et la résilience des âmes oubliées avec une caméra qui danse sur la frontière entre réalité crue et poésie visuelle.
« C'est une comédie décalée ! Disons que pendant les 50 premières minutes, on vous offre une comédie romantique, mais ensuite, ce sont 90 minutes de réalité brute. » Sean Baker
BANDE ANNONCE
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