Ici s’achève le monde connu
Un film de Anne Sophie Nanki
Un article de Serge Leterrier
Ouverture du Festival de cinéma Vues d’Afrique à Montréal ce jeudi 11 avril 2024.
A la Rencontre de l’Histoire
« C’est une histoire universelle, une histoire d’émancipation, d’aliénation, mais aussi de conquête de liberté, où deux personnages brisent les chaînes physiques et dans leur tête. C’est donc une histoire tout simplement humaine qui résonne dans les territoires victimes de conquêtes coloniales mais aussi qui résonne avec le présent. » Anne Sophie Nanki – (Source https://africultures.com/)
Le 40e Festival International du Film Vues d’Afrique à Montréal accueillera dans sa sélection un court-métrage qui a déjà capté l’attention du public international : Ici s’achève le monde connu d’Anne Sophie Nanki. Ce huis clos en pleine jungle a su traverser les océans et les époques pour toucher un public universel. Il est à lui seul, une exploration poignante de l’émancipation et de la quête de liberté. Cette œuvres est émaillées de scènes très émouvantes et éprouvantes que je tairais au risque de spoiler l’histoire…
1645. Les guerres opposant Amérindiens et Français font rage en Guadeloupe.
Le film nous plonge dans un récit où les destins d’une jeune autochtone, Ibátali Kalinago, et d’Olaudah, captif africain, s’entremêlent dans une lutte commune contre l’oppression. Ibátali entame un long chemin la menant de l’aliénation à la société coloniale à l’émancipation. Mais est-elle prête à payer le lourd prix de la liberté ?
Avec une réalisation qui allie la beauté des paysages caribéens à la force des émotions, Anne Sophie Nanki nous offre une œuvre qui est à la fois un hommage aux cultures et aux peuples souvent oubliés, et un miroir décidément tourné vers notre époque.
L’inspiration pour le scénario d’Anne Sophie Nanki est née de deux voyages marquants en 2020. Le premier, au Yucatan au Mexique, lui a permis de découvrir la richesse des traditions mayas et l’importance accordée à leur patrimoine. Le second voyage en Guadeloupe, terre de ses origines, a révélé un contraste avec les vestiges amérindiens. C’est cette différence qui a suscité chez elle le désir de réaliser un film qui rend hommage aux Kalinagos, peuple autochtone des Caraïbes, et de partager, avec les spectateurs, leur histoire méconnue.
« Mon parti pris, c’est d’être de l’autre côté, du côté des Amérindiens, des autochtones » - Anne Sophie Nanki
Anne Sophie Nanki a choisi le titre de son film avec une pointe d’ironie délibérée. “Ici s’achève le monde connu” fait écho aux paroles de Vasco de Gama, qui a utilisé cette phrase sur son carnet de bord lorsqu’il a navigué au-delà des frontières du monde tel qu’il était connu par les Européens, marquant ainsi une ère de découverte. Ce choix de titre sert de métaphore puissante pour le film, il explore ainsi les thèmes de la découverte et de la redéfinition des limites de l’humanité.
Anne Sophie Nanki
au Carrefour des Cultures et de l’Histoire
Anne Sophie Nanki, scénariste et réalisatrice d’origine guadeloupéenne et afro-caribéenne, a grandi en France après avoir quitté les Antilles à l’âge de cinq ans. Passionnée par la mise en lumière des récits afro-descendants souvent négligés, elle s’engage à leur donner vie au cinéma. Actuellement, elle développe une comédie romantique située à Kigali.
Sa vocation de réalisatrice s’est affirmée récemment, durant la pandémie de Covid-19, avec la création de son premier court-métrage, Ici s’achève le monde connu. Avant cela, elle a écrit pour le cinéma, comme pour A Genoux les gars, sélectionné à Cannes en 2018, et a collaboré avec Raoul Peck sur Exterminez toutes les brutes. Son expérience en écriture de scénarios, bien que longue, a été fondamentale pour forger son talent et la mener vers la réalisation. Son parcours, marqué par sa persévérance et sa détermination, l’a conduite à la sélection officielle des Césars 2024, une réalisation qu’elle envisageait depuis son enfance.
Le court métrage d’Anne Sophie Nanki, est ancré dans ses racines guadeloupéennes situé dans une époque marquée par la résistance des Amérindiens et des Africains esclavagisés face aux colonisateurs européens. Il explore les thèmes de l’entraide et de l’amour, reflétant l’héritage culturel issu de ces unions historiques.
La réalisation a rencontré des défis, notamment un scénario initial trop long pour le budget disponible, nécessitant une réduction significative. Des problèmes techniques, comme des maquillages inadéquats, ont exigé des ajustements de dernière minute, enrichissant finalement la narration par leur discrétion. Les conditions météorologiques ont également compliqué le tournage, mais ces obstacles ont stimulé la créativité et l’adaptabilité de l’équipe, permettant de rester fidèle à l’histoire voulue.
« …Elle ne voit de lui qu’un monstre noir qu’elle peut utiliser à des fins personnelles, et lui ne voit qu’une traitresse, qu’une collabo, qui le vendra à la première occasion. Cette traversée de l’île est aussi une quête de l’un et de l’autre pour reconquérir leur humanité. » Anne Sophie Nanki (source : https://la1ere.francetvinfo.fr/)
Pour ce film Anne Sophie Nanki a choisi des acteurs de Guyane française, Lauriane Alamé-Jaouari et Christian Tafanier, pour leur lien authentique avec la culture autochtone amérindienne et marronne. Leur capacité à parler les langues Bushinengue Tongo et Nengue Tongo était essentielle pour préserver l’authenticité historique du film, évitant l’anachronisme d’utiliser le français ou un créole moderne de 1645.
Les langues parlées par les acteurs, bien que différentes, sont inter compréhensibles, reflétant la fusion culturelle sur les plantations du XVIe siècle et l’autonomie acquise par ces communautés. Pour le tournage, des sites non identifiables en Guadeloupe ont été choisis pour évoquer une terre inexplorée, loin de l’image touristique habituelle, renforçant cette immersion.
Le court-métrage Ici s’achève le monde connu d’Anne Sophie Nanki est une ode à l’émancipation humaine, transcendant les époques et les frontières. Sa diffusion internationale témoigne de son message universel. La réalisatrice envisage déjà une extension de cette écriture en long métrage, cherchant actuellement le partenaire de production idéal pour ce projet d’envergure. Son titre provisoire est « Ici commence le nouveau monde ».
Dans ce film, vous allez être téléporté en 1964 dans la jungle guadeloupéenne pour vivre une véritable immersion avec d’Ibátali et d’Olaudah qui, entre ombre et lumière, vont tisser un lien si singulier qu’il va confondre les époques. Faites ce voyage avec le cœur, dans l’humilité de votre condition d’être humain…
Production déléguée : ©Vertical production
Coproduction : ©Black Moon Films
Exportation / Vente internationale : Sudu Connexion
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