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  • Photo du rédacteurSerge Leterrier

1964 Simityè Kamoken

1964 Simityè Kamoken

Un documentaire de Rachèle Magloire

 

Un article de Serge Leterrier


Les ombres de 1964

Le documentaire historique, 1964 Simityè Kamoken se distingue comme une œuvre poignante et marquante de ces ombres du passé. Réalisé avec grande sensibilité, précision et discernement par Rachèle Magloire, ce film nous plonge au cœur d’un épisode méconnu de l’histoire haïtienne, où la terreur, les atrocités, les disparitions  et l’injustice ont marqué à jamais la mémoire collective.

 

Rachèle Magloire, à travers son film, vise à restaurer la mémoire des victimes oubliées du massacre de 1964 en Haïti, soulignant les épreuves endurées par les paysans persécutés par le régime de Duvalier. Son documentaire sous la forme d’une enquête méticuleuse et méthodique se veut un vecteur de vérité et un hommage aux victimes, en donnant vie à leur histoire.

 

1964 Simityè Kamoken : Un documentaire émouvant à découvrir lors du 40e Festival, Vues d’Afrique qui se déroule à Montréal.

 

Rachèle Magloire et une partie de son équipe lors du tournage Photo ©Productions Fanal

Mémoire d’une répression oublié

 

« Dès que tu voyais un trou quelque part, tu savais qu’ils allaient exécuter des gens », explique un résident de Belle-Anse dans le dernier long-métrage documentaire de la réalisatrice Rachèle Magloire, 1964 Simityè Kamoken.

 

L’été 1964 en Haïti n’est pas malheureusement pas un souvenir d’une saison passée, mais le témoin silencieux d’une répression sanglante orchestrée par le régime de François Duvalier. Dans les régions reculées de Belle-Anse et Forêt-des-Pins, des paysans innocents sont devenus les cibles de la violence d’un État impitoyable et autocratique, sous prétexte de réprimer une insurrection. Le documentaire tire son nom des victimes de cette période sombre, les « Kamoken », dont les voix ont été étouffées sous le poids de la peur et de l’oppression.

 

À travers des interviews poignantes, des images d’archives rares et une narration qui respecte la profondeur des émotions, 1964 Simityè Kamoken nous invite à un voyage dans le temps, où la vérité cherche à briser le silence. Ce documentaire n’est pas seulement un récit des événements, mais un hommage au peuple haïtien et un appel à la reconnaissance,  surtout à la justice.


L’ancien cimetière de Tête à l’Eau, village effacé de la cartes pendant longtemps - Photo ©Productions Fanal

Au-delà du silence, le poids de l’histoire !

 

Le documentaire 1964 Simityè Kamoken est une œuvre bouleversante qui m’a visuellement et émotionnellement entrainé dans un chapitre sombre de l’histoire d’Haïti sous la dictature de François Duvalier. Ce film met en lumière les événements tragiques de l’été 1964, où des forces gouvernementales ont perpétré un massacre contre les populations paysannes.

 

Le film tire son nom de « Simityè Kamoken », qui se traduit par « le cimetière des Kamoken », faisant référence aux victimes de cette répression brutale. Les Kamoken FARH (Forces Armées Révolutionnaires d’Haïti) étaient des rebelles originaires de la région du Sud-Est d’Haïti et qui s’étaient levés contre le régime autoritaire de Duvalier. En réponse, Duvalier s’impose comme le chef suprême et lance une campagne de terreur pour dissuader les paysans de rejoindre la rébellion.

 

Rachèle Magloire, dans son documentaire, cherche à réhabiliter la mémoire de ces victimes oubliées, en recueillant des témoignages et en menant des enquêtes sur le terrain. Elle expose ainsi un crime odieux qui n’avait jamais été rapporté auparavant, tentant de lever le voile sur ces événements méconnus du grand public.

 

Le documentaire 1964 Simityè Kamoken est donc un acte de mémoire important, qui non seulement documente les atrocités commises mais offre également une plateforme pour que les voix des survivants et des descendants des victimes soient entendues. C’est un rappel puissant que les histoires non racontées et les injustices du passé nécessitent reconnaissance et réflexion pour que la société puisse avancer vers un avenir plus probe.

 

Rachèle Magloire se distingue par son dévouement à des thématiques sociales et historiques cruciales, qu’elle explore à travers le prisme documentaire. Sa caméra devient un instrument d’éclairage, révélant les enjeux majeurs et offrant une tribune aux communautés souvent en  marges de la société ou effacées de la conscience collective. Ses dialogues mettent en exergue la valeur inestimable de la mémoire partagée et la contribution essentielle du cinéma documentaire à sa préservation, en particulier dans les contextes de régimes autoritaires et de convulsions politiques.

 

Elle met en lumière la convergence des souvenirs, évoquant comment l’entrelacement des expériences vécues peut éclairer et panser les plaies historiques. Rachèle Magloire affirme que le genre documentaire est un vecteur privilégié pour amorcer des conversations constructives, stimuler la pensée critique et catalyser l’engagement civique.


L’ancienne caserne de la communauté de Banane - Photo ©Productions Fanal

Le cinéma de Rachel Magloire

 

Rachèle Magloire, cinéaste haïtienne née en 1961, est reconnue pour son engagement dans le documentaire social et historique. Après une formation en communication au Québec, elle devient journaliste et contribue à l’hebdomadaire « Haïti en marche ». Fondatrice des Productions Fanal, elle réalise des documentaires comme Une école pour tous et Les enfants du coup d’État, mettant en lumière des sujets sociétaux critiques. Son travail avec la radio de l’ONU en RDC et le projet « Sinema Anba Zetwal » montre son désir d’éduquer et de sensibiliser. Son film Deported, récompensé au festival Vues d’Afrique, souligne son rôle influent dans le cinéma documentaire et son aspiration à un changement social par la narration.

 

L’histoire dans l’histoire

 

« Quand la peur produit le silence, les mots du pouvoir s’impose… »

 

En 1964, sous la dictature de François Duvalier « Papa Doc », Haïti a été marqué par le sanglant massacre des Vêpres jérémiennes à Jérémie, où 27 personnes, y compris des enfants, ont été exécutées par les forces armées et les Tontons Macoutes (volontaires de la sécurité nationale). Cet acte visait à écraser l’opposition et à renforcer la terreur du régime. La même année, un référendum a établi la présidence à vie de Duvalier et modifié le drapeau national, signifiant un changement radical de l’identité haïtienne. Ces événements, symboles de répression et de violation des droits humains, restent gravés dans la mémoire collective, rappelant la nécessité de se battre pour les principes de liberté et de dignité.

 

Affiche du film - ©Productions Fanal

 

Les voix silencieuse

 

1964 Simityè Kamoken de Rachèle Magloire est un vibrant plaidoyer pour la mémoire et la justice, retraçant les tragédies de l’été 1964 en Haïti sous la dictature. Le documentaire ne se limite pas à relater des faits ; il rend hommage au peuple haïtien et à la quête incessante de dignité et de droits fondamentaux. Il y aurait tant à dire sur cette période haïtienne, mais je préfère définitivement laisser les images de   ce documentaire graver nos mémoires pour ne pas oublier le passé, pour en tirer des leçons et  prévenir la répétition de telles horreurs.

 

Je vous laisse, dès à présent, écouter ces voix silencieuses murmurer à  vos  oreilles… Elles ont tant de choses à dire !



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